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« Il faut réorienter le système d’élevage des ruminants »

Michel Duru, directeur de recherche de l'Inrae Occitanie.

Michel Duru est directeur de recherche, actuellement chargé de mission à l’Inrae Occitanie. Il estime que l’élevage à l’herbe doit être privilégié, mieux soutenu, et que notre régime alimentaire doit aller vers moins de viande.

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L’élevage, notamment de ruminants, a été montré du doigt récemment par la Cour des comptes, ce qui a provoqué une levée de boucliers du monde agricole. Quel regard portez-vous sur cette actualité ?

Le rapport de la Cour des comptes est assez abrupt. Il dit que l’élevage contribue aux gaz à effets de serre, qu’il est très subventionné et que les éleveurs, notamment allaitants, vivent mal de leur travail. C’est vrai, notamment concernant les gaz à effet de serre (GES) et c’est scientifiquement prouvé. C’est vrai aussi que les éleveurs allaitants souffrent. Mais la Cour des comptes ne prend pas le problème dans son ensemble. Il faut regarder deux choses quand on parle d’élevage : l’alimentation et la santé, premièrement, et les limites planétaires, deuxièmement.

Primo, on consomme trop de protéines. Les scientifiques disent qu’il faut en consommer 20 à 30 % de moins. Et, parmi ces protéines, il faut passer de deux tiers à la moitié de protéines animales. Donc, cela revient à diviser par deux les consommations de protéines animales. En plus, « le moins et le mieux » de viande est meilleur pour la santé. Concernant les limites planétaires, la France s’est engagée à diviser par deux ses émissions de GES d’ici à 2050. Les technologies et les bonnes pratiques agricoles n’y suffiront pas. Il faut donc changer de régime alimentaire et redimensionner et réorienter le système d’élevage de ruminants.

Certes, mais l’élevage apporte d’autres « services », comme l’emploi et l’aménagement du territoire. Les prenez-vous en considération ?

En réalité, il y a élevage et élevage. Une vache alimentée à l’herbe apporte deux fois plus de bons acides gras au lait et à la viande qu’une viande nourrie, pour résumer, « au maïs-soja ». Je comprends que les éleveurs s’inquiètent. Je les encourage, quand c’est possible, à faire de l’élevage à l’herbe, sur les prairies permanentes qui ont des stocks élevés de carbone (il ne faut pas les retourner) ou sur des prairies temporaires qui séquestrent du CO2.

De plus, pour réduire les émissions d’azote dans l’eau et l’air, il faut des prairies riches en légumineuses, notamment dans les prairies temporaires. Et on peut faire du sursemis sur les prairies permanentes. Ça permet de fournir une ration riche en protéines et de limiter les compléments protéiques exogènes à l’exploitation. Le souci, pour les éleveurs, est de faire savoir aux consommateurs que leur viande ou leur lait sont issus d’un animal nourri à l’herbe. J’ajoute que la méthanisation encadrée peut apporter des revenus aux éleveurs et diminuer leur impact environnemental.

Le consommateur est-il prêt à changer de consommation et à payer plus cher ?

La première chose, c’est que l’État doit dire : « Pour atteindre nos objectifs de plafond de GES, on doit diminuer la consommation de viande. » S’il ne le dit pas, c’est semer le doute sur les connaissances scientifiques. Aujourd’hui, les GES de l’élevage baissent parce qu’il y a moins de vaches… Donc, l’État mise sur la misère des éleveurs. Et comme il n’a pas de politique pour orienter la consommation, nous importons plus de viande !

Quant au coût de la viande, il doit prendre en compte les coûts cachés sur la pollution du fait d’élevages trop intensifs et pas assez herbagers, et sur la santé du fait d’un excès de consommation de viande par rapport aux recommandations. L’alimentation sera plus chère, mais le consommateur sera au courant des effets de cette alimentation sur la santé et la planète. Et une politique publique devra être mise en place pour aider les consommateurs qui en ont besoin. Les politiques publiques doivent aussi venir en soutien des éleveurs allaitants, pour lesquels, sinon, on peut être inquiets. Il faut aussi accompagner les éleveurs de races modernes qui ne peuvent pas engraisser leurs bovins à l’herbe.

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